Petit livre étonnant au titre provocateur. A l’heure où chacun cherche à réduire son empreinte carbone, où la baisse des émissions CO2 est jugé comme étant un objectif essentiel de toute politique environnementale digne de ce nom, voilà un physicien professeur universitaire qui vient nous dire qu’il faut en réalité davantage remercier le CO2 des bienfaits qu’il nous procure.
J’aime ces livres à rebrousse-poil, qui naviguent à contre-courant de la pensée dominante, qui forcent à réfléchir, à éloigner les frontières de nos ignorances et à penser différemment.
Que faut-il retenir du livre de François Gervais ?
Tout d’abord, que si le réchauffement climatique est une réalité indéniable au XXème siècle, une part majoritaire de cette réalité – les deux tiers selon l’auteur – serait le fait d’un réchauffement « naturel » de l’atmosphère terrestre. La Terre a connu diverses périodes de réchauffement et de refroidissement au cours de son existence géologique. Nous serions donc dans une période de réchauffement. L’auteur avance également que la majeure partie du phénomène de réchauffement au cours du dernier siècle est intervenue avant 1945, et que les températures ont en réalité baissé jusqu’en 1975 alors même que nous émettions plus de CO2 dans l’atmosphère du fait de nos activités industrielles. Ce qui tendrait à démontrer que la corrélation entre émissions de CO2 par les activités humaines et réchauffement climatique n’est pas nécessairement l’expression d’une causalité absolue.
Bon, j’imagine que l’écologiste convaincu que vous êtes se révolte à cette idée troublante et que vous vous dites – comme je me suis dit en lisant le livre : « mouais… » ! Pourquoi pas. Mais à vérifier quand même. L’auteur coupable d’hérésie scientifique bénéficie certes de la présomption d’innocence, mais faudrait pas qu’il nous empapaoute avec des formules de calcul savantes incompréhensibles pour le commun des mortels...
La deuxième affirmation surprenante du livre, celle qui m’a le plus interpellé, est que l’augmentation du CO2 aurait en réalité bénéficié à la biomasse, c’est-à-dire à la production de végétaux qui sont nécessaires à la vie sur Terre. La biomasse aurait, selon les observations satellites citées par l’auteur, augmenté globalement sur Terre de 22% sur les 33 dernières années ; 35% pour la Chine et 82% pour l’Inde ! Plutôt que de contribuer à dégrader la nature, l’augmentation du CO2 créerait les conditions d’une production agricole accrue, qui serait en réalité bénéfique pour l’humanité en général. Je cite l’auteur : « au contraire d’être un polluant, le gaz carbonique est un fertilisant ». Surprenant, n’est-ce pas ?!...
Les choses sont bien évidemment toujours plus complexes qu’on ne l’imagine en réalité. En matière d’écologie, on a vite fait de raisonner sur des idées simples, de condamner un élément sans en évaluer toutes ses contributions, à l’inverse de promouvoir des solutions sans en évaluer toutes les conséquences. L’analyse du CO2 de son importance et de son impact n’échapperait donc pas à ces difficultés.
Une autre idée intéressante du livre est que la peur du réchauffement proviendrait non pas du réchauffement climatique en tant que tel, ni des catastrophes climatiques qui ne sont pas plus importantes qu’avant, seulement davantage médiatisées, mais des projections établies par nos modèles de projection. L’industrie informatique et les mathématiques viennent en renfort des analyses scientifiques pour tenter d’anticiper les évolutions du monde, notamment climatiques, développant des modèles de calcul et des logiciels capables de gérer un nombre infini de données pour établir les projections du futur. Intéressant de noter que notre peur provient moins de la réalité en tant que telle que des projections imaginaires que nous en avons. Sans vouloir polémiquer, un peu à l’instar des modèles de prévision de la pandémie de la Covid-19 qui prévoyait des centaines de milliers de morts dans chaque pays, voire des millions, alors que nous n’en avons que quelques dizaines de milliers. Les modèles de prévision sont dépendants des paramètres que nous leur donnons. Il suffit de changer un paramètre pour changer la prévision. Mais nous faisons davantage confiance à ces modèles imparfaits et alarmistes qu’à l’observation de la réalité. Étrange monde humain que celui dans lequel nous vivons, pour lequel la perception de la réalité et l’imagination sont plus puissants que la réalité elle-même. Où la peur est également instrumentalisée pour devenir un instrument de pouvoir politique. A méditer…
L’auteur ne nie pas la réalité du réchauffement ni la part qui reviendrait aux émissions humaines. Mais il propose une vision plus nuancée, peut-être plus rassurante. Apporter ces nuances ne réduit en rien la légitimité des efforts pour réduire les émissions de CO2 produits par les activités humaines. Car le CO2 n’est qu’un des gaz à effet de serre parmi d’autres rejeté dans l’atmosphère par les êtres humains. Il y a également le souffre, le plomb, le monoxyde d’azote, les particules fines, etc. Tout un tas d’émissions qui se concentrent plus particulièrement dans les zones urbaines fortement peuplées, qui contribuent aux maladies respiratoires et aux maladies cardiovasculaires, qui rendent même l’air irrespirable dans certains endroits. La lutte contre nos émissions de CO2 produit indirectement de meilleure conditions de vie en général pour tous les êtres humains, améliore l’air que nous respirons dans nos villes. Qui plus est, la démarche de réduction de CO2 porte en elle les innovations nécessaires pour trouver une alternative aux énergies fossiles en quantités limitées. La lutte contre le CO2 procède ainsi d’une démarche d’innovation plus générale pour inventer l’énergie et la société du futur.
L’auteur rappelle néanmoins que certaines solutions dites « écologiques » ont parfois des conséquences pires, si ce n’est à tout le moins équivalentes à celles posées par les problèmes initiaux. La multiplication des panneaux photovoltaïques et des éoliennes ont à ce propos un impact environnemental qui est largement sous-estimé. L’auteur termine également son livre par une conclusion de Michael Shellenberger, fondateur de l’association Environmental Progress : « Il y a un changement climatique. Ce n’est pas la fin du monde pour autant. Ce n’est même pas le plus sérieux de nos problèmes environnementaux ». En effet, pendant que chacun s’époumone pour conspuer le CO2, personne ne se préoccupe vraiment de trier ses poubelles ni de recycler ses déchets plastique… Un exemple d’incohérence comportementale parmi d’autres.
Donc oui à tous nos efforts pour réduire nos émissions de CO2 et pour inventer une énergie décarbonisée. Mais quand même… merci au CO2 d’exister et de permettre la vie !
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